Sebastien N- 19/08/2024

Indispensable

Des néons uniquement. Pas de nuages. Pas de vent. Toujours les mêmes bruits, les mêmes visages, les mêmes gestes. Pas sûr que je puisse réellement bien imaginer la vie carcérale, mais il est aisé de comprendre que l'écriture est un moyen unique pour s'évader de tout. De l'écriture à la correspondance, il n'y a qu'un pas. Lorsqu'elle est épistolaire, elle défie alors les usages actuels, allonge le temps et accroît l'inconnu… et permet de rêver un peu. Ce qui frappe d'abord, c'est la lourdeur de l'ouvrage. Sa densité. Valentine Cuny-Le Callet y a tout mis, tout ce qui était permis du moins. On n'est pas dans le simple récit d'une correspondance particulière. On est dans la construction d'une femme à travers sa passion (le dessin et l'art en général), sa révolte (les conditions humaines) et son besoin altruiste. Les années s'étirent alors, et les planches de dessins se multiplient. Elles illustrent l'état d'esprit d'un moment, les lieux parcourus, les gens rencontrés, les images renvoyées par les lettres, entre pensées sombres et rêves incertains. On découvre l'ingéniosité artistique dont elle fait preuve pour contourner les radars de l'administration pénitentiaire. On reste muet devant des planches noires, sans espoir mais pleines de vies. Perpendiculaire au soleil est un album majeur de la BD à bien des égards. Parce qu'il transpire l'amour de l'art, la recherche et les doutes. Mais aussi parce qu'il aborde avec pudeur la solitude des vies écrites d'avance. C'est beau, c'est touchant, et l'on peut y passer de longues heures contemplatives. La lecture permet tout. À quiconque. Mais lorsque les mots sont écrits pour vous, la lecture prend alors des élans oniriques qui nous emmènent bien loin de l'interprétation collective. On s'approprie des expressions, des tournures, des ponctuations dans lesquelles, même enfermés, on peut rêver. À lire en plein air, seul.