Jeune professeur de musique, Hugues reconnaît dans la mère d’un élève une aventure d’un soir, il y a quelques années. Bien qu’elle ne semble pas le reconnaître, lui n’a aucun doute : elle disait s’appeler Marie et cela est arrivé il y a 8 ans environ. Mais le choc le plus grand est à venir, le petit Lucas ressemble à s’y méprendre au père de Hugues ! Pour le jeune homme, sa probable et soudaine paternité tourne à l’obsession et elle menace de faire exploser la famille du garçonnet. Personne ne pourra sortir indemne d’une telle déflagration.
Je n’ai jamais été déçu par Barbara Abel, une auteure qui n’a pas son pareil pour mettre en scène de gens ordinaires plongés subitement dans le drame irrationnel. Elle nous propose ici un roman de 60 chapitres, finalement assez court, rapide et facile à lire. Il y a d’un côté Hugues, sa solitude, son père atteint de démence qu’il croyait connaître (et sur lequel il va en découvrir de belles!), son amie Linda handicapée moteur. Hugues est un jeune homme un peu en marge, un peu bohème et rêveur, solitaire et très légèrement décalé. Cette paternité soudaine lui fait un peu perdre le sens commun, il devient avec le petit Lucas intrusifs, maladroit, il le met mal à l’aise et lui avec nous. De l’autre côté, il y a la famille Moreau, qui en apparence a tout d’une famille épanouie (parents aimant, jolie maison, enfant adorable) mais qui cache sous le vernis quelque chose de déséquilibré. La relation entre Adèle (qui ne s’appelle pas Marie en réalité) et son mari Bastien est faite de dépendance, de soumission et rapport de force, le petit Lucas semble par moment absent, par moment tourmenté par des bouffées de colères. En réalité, si Hugues nous met mal à l’aise, la famille Moreau aussi, mais de manière différente, plus inquiétante. Le roman commence par un prologue qui, on le comprend immédiatement, est un flash forward. Le livre se clôture quasiment par le même chapitre, à deux trois détails (cruciaux) près. Ce prologue malin nous met sous pression, on sait comment les choses vont évoluer, mais on comprend tard (très tard même) comment cela sera rendu possible. C’est un roman astucieux, bien construit et agréable à lire, qui ne va pas révolutionner le genre du roman noir mais qui s’inscrit bien dans la bibliographie de cette auteure talentueuse. C’est toujours par la complexité psychologique de ses personnages que Barbara Abel se distingue, et ici c’est particulièrement vrai pour le couple Moreau et le petit Lucas. Dans le monde de Barbara Abel, victimes et bourreaux se confondent dans des personnages bien croqués, qui ne laissent jamais indifférents. Sans que « Comme si de rien n’était » n’atteignent les sommets de tension de son roman le plus fort (« Derrière la Haine »), elle nous offre un roman noir, très noir, qui dynamite la cellule familiale et l’éparpille façon puzzle.
Abel dynamite la cellule familiale.
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