Padoune- 07/06/2021

Drôle et enrichissant!

Déconstruisant les mythes en analysant la narratologie, tel est le rôle de ce petit bouquin d’Alice Zeniter, dans lequel on saisit relativement tôt que l’art du récit n’est pas à sous-estimer. D’aussi loin que je me souvienne, les histoires ont toujours eu la même saveur, et la même finalité, l’autrice démontre dans ce récit l’importance de remettre la narration au cœur même d’un enjeu politique, celui de la condition des femmes. Basant sa réflexion sur la théorie de la fiction-panier, explicitant le test de Bechdel, le schéma narratif et la sémiologie, elle nous ouvre les portes d’un univers auquel on a toujours été confrontés, sans jamais y voir de problème. Le constat est saisissant : les histoires se construisent toujours autour de la figure du héros et de la violence, c’est toujours « l’histoire d’un mec qui fait des trucs », tandis que les femmes servent de décor, la plupart du temps. Elle nous embarque avec une ironie et un trait d’humour fort appréciables dans une relecture des textes d’Aristote, Roland Barthes, Baudelaire, André Breton ou encore Victor Hugo. Elle réussit avec brio à rassembler dans ses notes de pages des idées tout aussi importantes que le récit lui-même. Un concentré de récits personnels agrémentés de références issues de la pop-culture, cet essai très instructif apporte une première piste en terme de réflexion, qui tend à être approfondie par d’autres ouvrages et études de textes littéraires anciens. S’appuyant sur une analyse d'Umberto Eco, elle tente d’expliciter nos représentations romanesques par l’étude de la relation que l’on entretient avec les personnages de fiction, et le paradoxe auquel la machine affectante nous fait éprouver de l’empathie face à des personnages de romans parfois plus intensément qu’envers des données rationnelles stupéfiantes. Ce court texte savamment mis en forme est à la fois piquant, brillant, joyeux et riche en informations, dont on se délecte du début à la fin.