Tout d’abord, un grand merci aux éditions Archipoche et à Babelio pour l’envoi de ce roman !
J’apprécie beaucoup les romans historiques et je ne connaissais pas cette autrice, c’est donc déjà une belle découverte. Catherine Hermary-Vieille a réussi à me transporter au XVIème Siècle, sa plume agréable m’a permis de faire défiler les pages avec plaisir malgré une histoire de plus en plus pesante. Je reconnais avoir ressenti un sentiment de malaise grandissant à l’instar de Jeanne et de sa situation désespérée. Tant et si bien qu’à la fin de cet ouvrage je me sentais franchement mal et oppressée. (Y aurais-je mis trop de coeur ?)
Les premières pensées qui me viennent après avoir achevé ma lecture sont : Quelle vie ! Quelle tristesse et quelle détresse… J’ignorais tout de cette Jeanne la Folle (ou Juana la Loca), 1ère de Castille et la découverte de son histoire me laisse chamboulée.
Dès son plus jeune âge, elle est mise à l’écart, ou s’y met elle-même. Enfant assez secrète, renfermée, trop mystérieuse aux yeux de ses parents qui ne la comprennent pas. Ils pressentent déjà que tout n’ira pas comme ils le souhaitent avec la petite Jeanne. Bien trop émotive pour garder la tête froide comme sa mère, Isabelle la Catholique, Jeanne se laisse submerger, envahir par ses sentiments jusqu’à perdre pied. A 18 ans, elle se marie à Philippe de Habsbourg, dit Philippe le Beau, et signe de fait sa lente déchéance. Elle tombe immédiatement et irrémédiablement amoureuse de son mari, dont les mœurs légères ne cesseront de la torturer. Petit à petit, elle est coupée du monde, son mari l’éloigne d’abord de la sphère politique, et vu son peu d’intérêt naturel pour ce genre de questions, ce n’est que chose aisée, puis ne la supportant plus, il tente également de l’éloigner de lui, le plus possible. Jeanne se retrouve totalement dépendante de ce mari que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de pervers narcissique, elle n’est pas même maîtresse de sa propre maison et n'élève pas non plus ses enfants, dont elle sera plus ou moins séparée également.
Finalement Jeanne ne vit que pour l’amour mais celui-ci se détournera sans cesse d’elle, son mari puis son père, Ferdinand d’Aragon, (ab)usent de sa faiblesse de sentiments pour la diriger tel un pantin. C’est triste d’avoir été reine d’autant de pays et de provinces et n’avoir été rien. Retenue prisonnière physiquement mais également repliée sur soi, étouffée par ses propres émotions, harcelée par ses démons, Jeanne souffre d’une réelle dépendance affective. Elle a cette nécessité de s’accrocher désespérément à l’amour mais les principaux hommes de sa vie en useront contre elle (son père, son mari puis son fils, le fameux Charles Quint). Les mains tendues se transforment en poignards, elle se retrouve totalement seule, démunie, tous conspirent autour d’elle, tous la persécutent et la regardent de travers, la jugent et la considèrent folle. L’isolement dans lequel elle est plongée tout le long de sa courte vie n’aura eu pour effet que d’accentuer sa détresse, d’amplifier sa mélancolie qui, aux yeux de tous, à l’époque, ne peut être considérée que comme l’expression de la folie pure.
J’ai souvent eu envie de secouer Jeanne, j’ai été agacée par son manque d’amour propre et de fierté, sa naïveté, qui lui ont fait courber l’échine à maintes reprises, aveuglément manipulée par les êtres qui lui étaient chers, sa propre famille. Mais y avait-il seulement cette notion de famille à cette époque lorsqu’il était question uniquement de jeux de pouvoir ? A de rares occasions, Jeanne a su asseoir son autorité et se montrer digne, mais son mari, impitoyable, ne supportant pas l’affront qu’elle représentait, la considérant au fil du temps plus comme une ennemie qu’une femme fidèle, ne lui a jamais laissé le loisir de s’exprimer et de briller, préférant briser tout acte de “rébellion”.
Ce roman retrace ainsi la tragique destinée d’une femme dont la plus grande faiblesse aura été le souhait idyllique d’aimer et d’être aimée.
“Aimer à perdre la raison”... Chantait Jean Ferrat.
Une belle découverte !
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