Marion- 28/01/2022

Une écriture unique

Puis arrivait le moment, au cœur de Wuwuchim, où nous ne devions plus rien faire. C'était la nuit du renouveau. Sous la consigne des hommes, à la tombée du jour, on étouffait les foyers, on éteignait toutes les lampes. Une atmosphère de mystère s'emparait du village. Tout le monde rentrait chez soi et l'on entendait bientôt plus aucun bruit nulle part. Nous avions beau savoir que, depuis la kiva de la Corne, les prêtres Wuwuchim s'apprêtaient à ranimer le feu de notre communauté, l'obscurité et le froid dans lesquels nous étions plongés avaient quelque chose d'angoissant. Pourtant, cette nuit de Wuwuchim reste pour moi un souvenir très doux. C'était la seule où, en raison de la température glaciale, j'étais autorisée à dormir entre mes parents. Mon frère venait lui aussi se blottir contre ma mère et, ainsi ramassés les uns contre les autres sous un paquet de couvertures, nous passions la nuit comme une portée de chatons. Il faisait souvent trop froid pour que nous parvenions à trouver le sommeil, alors mon père chantait une vieille chanson hopi qui parlait de feu, de mort et de guerre. Les paroles que nous ne comprenions pas totalement semblaient terribles, mais la voix sourde et rassurante de mon père emplissait notre maison de la chaleur qui lui manquait, et nous finissions par nous endormir. Une voix unique et particulière qui m'a menée par les mots dans l'intimité d'un peuple qui m'était totalement inconnu. Un bonheur de lecture... Lumineux.