Filou42- 12/11/2018

Le lever de rideau de Valérie Manteau

Calme et tranquille ? Ne vous fiez pas au titre, trompeur. La vie de la narratrice n'est pas un long fleuve tranquille, c'est le moins qu'on puisse dire. Entre le Congo-Brazzaville, l'île d'Oléron, Istanbul, Paris ou Marseille, elle s'échine à faire face, à tenter de comprendre, à lutter contre la fatalité familiale ou la bêtise humaine. Ce récit est une belle évocation de la rédaction de Charlie Hebdo. L'ombre bienveillante de Charb veille sur la narratrice (ou l'obsède). Que c'est compliqué d'accepter sa disparition, celle de Wolinski, de Cabu, de Bernard Maris, de Tignous, cette joyeuse bande qu'elle a côtoyée. Fuir cette douloureuse réalité, voilà la solution. Retrouver la Sublime Porte, naviguer entre ses deux rives, européenne et asiatique, flâner dans ces rues, ces quartiers plein de vie, s'attarder dans ces zincs et boire avec "l'amant turc" jusqu'à plus soif, jusqu'au bout de la nuit, pour tenter d'oublier. Ce récit, court mais dense, vaut le détour. Le réduire aux attentats de 2015 serait injuste : ils constituent évidemment une rupture dans la vie de la narratrice, il y a un avant et un après le 7 janvier et le 13 novembre, mais ces événements s'inscrivent dans une histoire personnelle déjà marquée par la fatalité. Le spectre de Sarah Kane plane dès le début du récit ... Et puis il y a Istanbul, ce refuge, malgré les nuages qui s'accumulent sur cette métropole, lentement mais sûrement. Ce récit est un hommage à Charlie Hebdo, bien sûr, mais aussi une déclaration d'amour à Istanbul, à ses écrivains, aux Stambouliotes. Un récit qui annonce Le Sillon ...