Chris5867- 20/06/2022

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités

Ce petit roman fantastique (au titre astucieux au regard de l'intrigue) qui date du début des années 80 est en réalité une sorte de conte immoral, assez efficace et qui se lit facilement, avec une certaine gourmandise. Serge est un auteur de bande dessiné à la vie un peu terne, sans ambition, sans relief. Un jour à Paris il trouve dans sa poche un briquet qui n’est pas à lui et quand il l’actionne, le temps se fige pour tout et tout le monde sauf pour lui. Passé la première surprise, il se laisse très rapidement griser par ce pouvoir inouï et laisse libre court à ses pulsions : vol, vengeance, viols, tout y passe dans l’impunité la plus totale. Plus le temps (qui devient très relatif) passe et plus, ivre de ce pouvoir, il se laisse dominer par sa mégalomanie au point de faire le vide autour de lui, et de commettre des délits et des crimes de plus en plus graves. Parallèlement, son corps commence à souffrir de cette perte de repère temporel et une mutation inquiétante s’opère : mais Serge, embarqué dans une spirale infernale, ne saura pas s’arrêter. Partant d’un postulat de départ excitant (que feriez-vous si tout était figé autour de vous par votre seule volonté ?), Dominique Douay dépeint une nature humaine si facilement tentée par le pire et l’égoïsme que ce roman tourne vite au conte amoral. Souvent c’est drôle (l’imagination de Serge étant sans limite), parfois c’est terrifiant et surtout, les conséquences sociales, médiatiques et politiques des actes de Serge sont bien cernées. Cet homme, qui devient parfaitement antipathique au fil des pages qui passent, on le comprend de moins en moins et on adhère de moins en moins à son délire : dévaliser la FNAC, déshabiller un conseil des Ministre, c’est marrant ; violer des stars de cinéma, allumer des incendies çà devient glauque. Et en matière de glauque, les derniers chapitres sont terrifiants : se rêvant en maître du temps et de la Terre, Serge sort de sa condition d’être humain au sens physique du terme. Mais au sens moral du terme, çà faisait bien des chapitres qu’il ne méritait plus ce terme ! Ce petit roman fort bien écrit et construit comme une sorte de spirale vers le pire se déguste en quelques jours et suscite la curiosité de tout ceux qui, comme moi, sont fasciné par le temps et ses circonvolutions.