Éprise de paroles- 07/02/2019

Un poisson sur la lune

Les ouvrages de David Vann ont toujours été d’un grand acabit et, sans surprise, « Un poisson sur la lune » ne déroge pas à la règle. Ce récit est une auto-fiction qui dresse la cartographie des dernières tentatives de James Vann pour s’arracher du sentiment de désolation qui le dévaste. L’auteur assourdit le·a lecteur·rice des cogitations introspectives imaginaires du narrateur frôlant les ultimes sentences d’un condamné. C’est au moyen d’une plume tactile et acide qu’iels s’engouffrent dans une quête identitaire troublée relevant presque d’un funeste pèlerinage, à travers l’exploration de lieux symboliques et l’entretien des membres de son entourage plus ou moins proche. Le verbe, invectif et au service d’une tension progressive à l’abîme infernale, rend compte d’un cynisme autolytique dont la placidité est glaçante. La fuite ne fait pas partie du plan et c’est dans une violence latente que Jim, convulsé par ses émotions versatiles, écorche ses proches d’avanies venimeuses, ces dernier·ère·s prenant alors conscience de l’intensité des affres symptomatiques d’une pathologique inextirpable. Au delà de l’érection de portraits puissants issus d’un environnement familial nécrosé, il s’agit bien là de retranscrire les questionnements sur l’acte de secourir un individu d’une mort programmée et de l’agripper à la vie contre sa volonté. Ainsi, David Vann égare le·a lecteur·rice dans un équilibre désaxé entre le réel et la fiction, où la formidable capture des émotions le·la plonge dans de profondes réflexions. L’auteur révèle alors une ellipse fantasmée des derniers moments de vie de son père, dont le spectre à qui il offre un ultime cri vient percer le réel de toute sa poigne, falsifiant des vestiges au sein même de ses racines familiales.