Une honte partagée dans l’inconscient collectif

Livre prémonitoire, écrit en 2009, dénonçant une maltraitance structurelle de certains EHPAD, ou plus exactement groupe d’EHPAD, qui place la rentabilité financière immédiate au-dessus de la qualité de vie des résidents. L’auteur, William Rejault, était infirmier dans une maison de retraite plutôt chic, située dans le centre de Paris. Au cours de ce travail, il tenait un blog sous le nom de Ron l’infirmier. Ce blog a connu un succès avec une reconnaissance internationale (2d European Weblog Awards en 2006). Il interrompt son travail et se consacre à l’écriture. Ce livre est en quelque sorte le récit littéraire d’un témoignage. L’auteur est en tension entre la réalité, terrible de certaines résidences pour personnes âgées, comme l’a démontré depuis d’autres livres (les fossoyeurs de Victor Castanet), et des outrances de langage et de narration, héritées de la communication, par blog et d’un style qui relève du pamphlet. Devant le déni massif de la situation des personnes âgées fragiles, qu’elles soient en structure ou à domicile, aggravé par l’absence d’un appareil législatif à la hauteur de la question, on peut s’interroger sur une sorte de consentement collectif, ou comme le dirait Durkheim d’inconscient collectif, qui entérine ces situations de maltraitance comme une réalité de structure sociale. Un peu comme si la mise en évidence des pauvres nous donne le sentiment d’être un peu plus riche. Sinon, pourquoi n’arrive-t-on pas à faire une loi vieillissement et une réforme de ces résidences qui soient à la hauteur des enjeux malgré une connaissance de cette situation depuis de très nombreuses années ? Ce livre reste utile et a été pionnier d’une suite de témoignages qui ne peut que renforcer la nécessité de considérer autrement la personne âgée dans notre société et d’imposer une éthique et une régulation de l’activité économique dans ce champ.