La guerre frappe là où on ne l'imaginait pas. Les habitants n'y étaient pas préparés. La certitude d'une paix immuable leur a été promise. Alors que la situation devient de plus en plus dramatique, des soldats arrivent et ont ordre d'évacuer les civils. Ces derniers ont une heure pour préparer un seul et unique sac par personne. Celui de toute une vie.
C'est un roman de l'instant présent et du souvenir.
Chaque chapitre est consacré à une ou des personnes d'un même foyer. Alors qu'elles préparent leur bagage, leurs souvenirs les plus marquants refont surface. Malgré l'urgence et les injonctions répétés des soldats, chacun se questionnera sur l'avenir et abordera cette guerre et ses conséquences inéluctables.
Tour à tour, chaque histoire se raconte, trouvant pourtant un écho avec celles des autres.
Il y a d'abord un narrateur qui utilise le "Je". Né en 1986 il est la voix de la génération de l'autrice. La mienne. On en a entendu parler des guerres mais toujours de loin. Des anciennes (les 2 Grandes Guerres), des contemporaines à notre enfance (Rwanda, Kosovo), à notre adolescence (l'Irak) et celles de l'âge adulte (Ukraine). Se disant qu'il est impossible qu'une grande démocratie comme la nôtre soit touchée. Que l'Europe a laissé derrière elle ses vieux conflits en s'unifiant. En cela, le roman est très actuel. Et ce qui est le plus incertain c'est qu'à aucun moment l'autrice nous explique d'où vient cette guerre. Qui est ou sont les belligérants impliqués ? Finalement ce n'est pas ça le plus important. Les civils eux sont toujours les victimes et subissent l'exil forcé et la peur.
Et il y a Manon et Jeanne. Mère et fille. Elles ont payer le prix le plus fort de cet horrible conflit. L'innocence des 5 ans de Jeanne n'est plus. Il y a aussi Marek solitaire et poète qui refuse d'être sauvé, Mme Dépalle dame âgée qui ne veut pas mourir seule, la famille nombreuse et soudée De Cabane, Paul le salop de service avec sa femme qui n'est jamais nommée, Shoresh jeune homme sourd et muet. Et enfin Guy, un sans abri, et son fidèle chien Totem.
Leur sort nous émeut. Ça pourrait être nous. C'est ce qui m'a étreint. L'autrice par ces mots ciselés et justes a su décrire ce moment où tout bascule, où l'on doit abandonné sa vie pour tenter d'en reconstruire une autre ailleurs. En partant dans ces camions on part vers l'inconnu. L'inconnu d'un lieu mais aussi d'un avenir. L'espoir est-il toujours permis ?
Le sort des animaux en temps de guerre est aussi très bien abordé. Certains habitants du roman sont contraints par les soldats à abandonner leur animal de compagnie. Pour raison sanitaire selon la version officielle. Mais comment renoncer à ce compagnon à poil que l'on aime tellement ? Comment le laisser seul dans ce dangereux bourbier ? Souvent les animaux sont sacrifiés. Bien évidemment qu'une vie humaine est prioritaire mais les liens qui unissent les animaux à leurs maîtres sont réelles et bénéfiques pour les humains. Se soucier de son animal c'est avoir encore de la compassion et de l'humanité pendant un conflit qui n'en montre plus. Certaines scènes du roman m'ont d'ailleurs bouleversées.
Bien que je comprenne le choix de l'autrice de ne raconter que des instants de vie, pour être dans l'urgence du propos, j'ai un goût d'inachevé. Le lecteur n'aura que des fragments de l'histoire de chaque personnage évoqué. J'aurais aimé en savoir plus sur eux. Je m'y suis tellement attachée que je ne pouvais en rester là. Mais c'est aussi ça la guerre, laisser un monde derrière soi. J'ai donc dû accepter très difficilement de ne pas en savoir plus sur ces gens si ordinaires.
Je suis sortie de ma lecture un peu démoralisée par cette ambiance pesante. Cela reste un beau roman tant il est bien écrit et retranscrit fidèlement sur un court laps de temps l'urgence de l'exil forcé.
Un roman sur l'exil de guerre
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