Je prends (et c’est dommage) l’œuvre de Jean-Marc Souvira à rebours. Après avoir lu son dernier tome, me voilà en présence du second volet des aventures de Ludovic Mistral. C’est un peu étrange de découvrir dans ce second tome le pourquoi du comment des blessures d‘ untel ou des cicatrices d’untel ! Ce n’est pas l’idéal de procéder dans cet ordre mais cela ne l’a pas empêché de prendre beaucoup de plaisir en lisant ce polar, qui a les mêmes qualités que « Les sirènes noires » sauf que cette fois, il n’y a qu’une seule enquête, une seule chasse à l’homme qui occupe la totalité du roman. Aout 2003 à Paris, le commissaire Mistral qui se remet d’une blessure de service (voir le tome 1, que je lirai en dernier !) souffre d’insomnies et il doit pourtant enquêter, avec toute son équipe, sur le meurtre de 3 femmes retrouvées chez elles violées et lardée de morceaux de miroirs. Cette enquête est rendue ultra pénible par la terrible canicule de 2003 (un vrai personnage à part entière dans ce roman) à tous les points de vue : la température met les nerfs et les corps à rude épreuve et les services de secours en sous effectifs sont débordés par la mortalité. Bien caché dans sa chambre de bonne, le coupable est un homme très énigmatique, à l’identité incertaine, aux motivations mal définies, tout du moins en apparence. L’enquête, et donc le roman, se déroule sur 24 jours, du 3 au 27 aout 2003, 24 jours sous un soleil de plomb et une température qui complique tout. Les chapitres s’alternent entre le criminel dont le profil se dessine doucement au fil des pages, avec quelques fausses pistes bien efficaces, et la police qui cherche à comprendre et à identifier cet homme psychiquement insaisissable. Ce coupable, qui souffre de migraines chroniques, qui a tendance à trop boire, qui est obsédé par les voix féminines de FIP, ne ressemble pas tout à fait aux tueurs psychotiques des thrillers habituels, il n’est ni extraordinairement intelligent, ni détraqué sexuel (même si c’est un violeur, quand même…), il ne poursuit pas un objectif fumeux ou ésotérique, on n’a l’impression pendant longtemps qu’il ne poursuit aucun but, on n’arrive jamais à le cerner, et ce jusqu’au bout, ce qui met très mal à l’aise évidemment, et c’est surement le but recherché par l’auteur. De l’autre côté, l’équipe de Souvira s’acharne à comprendre l’incompréhensible, et des tensions se font jour. Le style est encore une fois lipide et accessible, les chapitres sont équilibrés, les personnages bien dessinés et le livre propose ce qu’il faut de fausse piste, de révélations et de suspens. Souvira s’essaie même à quelques figures de style, en, jouant avec le temps (il raconte une scène clef en la faisant raconter après-coup par un des enquêteurs à un collègue convalescent), c’est pas mal, ça change du style direct et du récit linéaire. Ce qui fonctionne, en plus d’une intrigue (un poil compliquée qui pousse parfois le bouchon un peu loin, comme pour le coup de l’ADN), c’est le côté réaliste de la procédure, des rapports entre flics et avec la hiérarchie : ca sent le vrai, le vécu. Et puis, ultime bonne idée, faire de la canicule de 2003 plus qu’une toile de fond, presque un personnage (pas un chapitre, pas une page sans qu’elle ne soit mentionnée d’une façon ou d’une autre) du roman. Comme « Les sirènes noires », « Le vent t’emportera » est un polar pur jus, efficace et qu’on à plaisir à retrouver quand l’occasion se présente, jusqu’à la dernière page.
Polar sous canicule
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