Un roman qui se lit comme on regarde une série télé.
Nous sommes au mois d’octobre, jour d’Halloween. Dix-huit transformateurs électriques explosent en même temps à Paris. « Les transformateurs ne se sont pas juste arrêtés de fonctionner. On ne parle pas d’une simple surtension sur le réseau. Ils ont explosé ! À l’heure qu’il est, ils sont tous en feu ! » La ville se retrouve plongée dans le noir. Les hôpitaux essaient de mettre en marche leurs générateurs pour protéger leurs malades les plus faibles, mais ceux-ci ont seulement une durée de vie de 48 heures. Les prisons sont en alerte maximale et certaines comme Fresnes deviennent le théâtre de violentes rébellions. « (…) plus rien ou presque ne pouvait désormais y fonctionner sans électricité : système de surveillance, fermeture des sas, verrouillage des grilles extérieures, etc.. Ainsi, une coupure générale du courant offrait une occasion unique de se faire la malle. » Les magasins de luxe de la place Vendôme sont très vite pillés et lentement mais sûrement les forces de police ne parviennent plus à endiguer les incidents explosifs qui éclatent un peu partout. Koz, l’auteur, dépeint cet enchaînement d’évènements qui fait boule de neige et devient de moins en moins maîtrisable. La nuit s’abat brutalement sur le roman et le lecteur, comme les protagonistes, plongé dans le noir, assiste impuissant à une succession de catastrophes qui mettent clairement en danger toute une ville.
J’attendais clairement un roman post-apocalyptique. Finalement, je me suis plongée dans un récit qui décrypte avec un certain brio le champ des possibles de tout ce qui peut mal tourner grâce ou à cause d’une absence d’électricité. Inutile de préciser que notre dépendance énergétique est clairement le point central mis en avant par Koz. « C’est fou comme sans lumière, la frontière entre la nature et le domaine des hommes, la vie sauvage et la civilisation devenait poreuse. »
Il ouvre plusieurs voies et démontre qu’à la croisée des chemins, nous n’avons pas forcément pris les bonnes décisions. Dans cette nuit opaque et funèbre, la lumière est mise sur une photographie de notre monde actuel : terrorisme, montée de la haine et de la peur de l’autre, explosion de la violence. La panne généralisée fait remonter les plus vils instincts, et le lecteur suit à la minute, un peu à la « 24 heures chrono », le déroulé des évènements. (118 pages pour le jour 1, 182 pages pour le jour 2.) Cela confère au récit énormément de rythme, une pulsation du cœur de Paris, cadencé par les feux de fureur qui éclatent un peu partout. « Pour une fois, le cœur chic de Paris connaissait le quotidien des banlieues défavorisées. Il avait fallu moins de deux heures pour que les pillages ne se généralisent. Pour que la barbarie ne fasse loi. »
L’ensemble du roman est très immersif, complètement crédible, tellement vraisemblable qu’il nous fait dresser les poils sur la tête. « Conscient de cette vérité : dans le voyage au centre de nos peurs, c’est toujours le premier pas qui coûte le plus. » Ne vous y trompez pas, outre ce black-out qui joue sur notre peur intrinsèque du noir, Koz introduit dans le récit son personnage central sûrement récurrent, Hugo Kezer et construit autour de lui une intrigue où plusieurs feux sont à éteindre, en plus de rétablir le courant.
Me concernant, j’ai été totalement immergée par ce roman qu’on lit finalement comme on regarde une série. L’apocalypse est son nom et se déclinera en plusieurs tomes. « Rouge » suit « Noir » et sort également ce 1er avril 2021 chez Fleuve.
Un roman qui se lit comme on regarde une série télé.
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