J’avais beaucoup entendu parler de ce roman et je dois avouer que, sur le fond comme dans la forme, le livre du canadien Patrick Senécal est une sacrée découverte ! Dans le Québec d’aujourd’hui, Sénécal met en scène trois hommes très différents dont les routes vont se croiser à l’issu du premier tiers du roman. Frédéric, psychologue divorcé de 50 ans, cherche le frisson ultime dans des comportements extrêmes, voire très extrêmes, sans le trouver vraiment. Pierre, policier veuf de 40 ans que la vie a déjà bien cabossé, enquête sur un meurtre passionnel bien étrange. Maxime, la trentaine, héritier d’une entreprise d’équipement sportif, millionnaire, plaque tout du jour au lendemain pour lancer « Vivre au max », une émission de TV réalité hyper trash. Ce show TV, qui est au centre du roman, permet aux candidats sélectionnés de réaliser un rêve, un phantasme, une folie en toute impunité et devant des millions de téléspectateurs. Le show marche tellement bien, malgré les procès, malgré la censure (et malgré le dernier gramme de morale qu’il reste à la société) que Maxime est une star. Mais cet homme très mystérieux se révèle surtout être une bombe à retardement, une bombe très élaborée, et redoutable. C’est d’ailleurs à la chanson de Téléphone « La bombe Humaine » que fait penser le long roman de Patrick Senécal. Sur le fond, et sans rien dévoiler, le roman est bien plus qu’une critique acerbe de la TV réalité, c’est un livre sur le Vide avec un V majuscule, celui de l’âme humaine, celui qui existe en chacun de nous. Il y a ceux qui l’ignore de leur mieux et ceux que ce vide obsède, au point de les rendre dépressifs, fous, dangereux ou les trois à la fois. C’est peu dire que ce livre interpelle parfois le lecteur sur le Vide de sa propre vie et pose des questions étourdissantes. La couverture du livre est d’ailleurs parfaite, avec ce tourbillon qui vous entraine vers le fond et le néant. Sur la forme, le roman de Senécal est déconcertant car les chapitres sont dans le désordre (21 puis 8, puis 22, puis 2, etc.). D’emblée, on se dit que sur 700 pages (oui, c’est un gros pavé), lire les chapitres dans l’ordre du livre va être un cauchemar. Mais dans l’intro, l’auteur insiste pour que l’on tente l’expérience et je dois avouer que, contrairement à ce que je craignais, la lecture devient assez vite facile et c’est suffisamment structuré pour que cet ordre bizarre fonctionne, point de vue suspens. Je pense qu’on peut lire les chapitres dans l’ordre des numéros mais le côté thriller ne fonctionne alors plus du tout ! Il y a quand même un petit bémol à tout cela. Le chapitre 2 et surtout celui se déroulant en Gaspésie sont très trash, très très trash pour le second, à la limite du complaisant. Si à la limite le chapitre 2 peut avoir sa place dans l’histoire de Frédéric, celui de la Gaspésie n’avait nul besoin d’aller si loin dans le sordide pour apporter de l’eau au moulin de Patrick Senécal. Pour ces deux chapitres là, âmes sensibles s’abstenir. Sinon, pour le reste du livre, c’est une bombe, une bombe… humaine.
Abyssal
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