Scopa.Scopa- 06/08/2019

Dans la chaleur d'une boue tiède

Ceux qui connaissent déjà Haruki Murakami savent bien qu’il est absolument impossible de résumer ses romans. Celui-ci ne fait pas exception à la règle. Ils savent également qu’ils sont tellement riches, complexes, peu explicites et qu’on passe forcément à côté de beaucoup de choses, chacun y piochant ce qu’il peut, ou ce qu’il veut. Une fois de plus, celui-ci ne fait pas exception. Parmi les multiple thématiques abordées dans cet ouvrage, on peut citer, en vrac, une réflexion sur le monde du travail et la vie quotidienne au Japon, le traumatisme de la guerre en Chine, et de la débâcle de 1945, la culpabilité, la manipulation politique et individuelle, l’importance du rêve, la difficulté d’assumer ce que l’on est ... Autant de thèmes, et bien d’autres, qui passent, comme un rêve éveillé dans ce roman envoûtant qui réussit l’exploit, malgré ses digressions et ses récits en apparence sans liens les uns avec les autres, de repêcher le lecteur juste quand il a l’impression d’être complètement perdu. L’auteur nous perd, nous hypnotise, nous présente l’un après l’autre une multitude de personnages pas toujours liés les uns aux autres, avant de nous récupérer, in extremis. Chroniques de l’oiseau à ressort est un roman qui peut passer en quelques pages de la violence la plus noire à la poésie la plus lumineuse, de l’horreur à l’humour, de tragique au comique, toujours en finesse, sans la moindre lourdeur. Un roman à la fois poétique, réaliste, fantastique, historique, onirique ... Un roman que l’on referme comme on sort d’un rêve, enchanté au sens premier du terme, encore un peu paumé, avec l’impression d’avoir saisi quelque chose d’important, même si on ne comprend pas tous les détails. Pendant ce temps l'oiseau à ressort remonte le temps.