Alexandra_Z- 24/03/2023

Martin Eden personnifie à lui tout seul l’expression « se donner corps et âme »

Martin Eden a vingt ans, est plein de vie et d’espoir. Habitué à travailler comme un forcené pour gagner de l’argent et survivre, il a souvent sillonné les mers. Son teint halé et ses biceps le trahissent, et il se sent à l’étroit dans ses vêtements et dans son corps lorsqu’il rencontre Ruth, au début du roman. Ruth, c’est une double rencontre qui bouleverse la vie de Martin : avec l’Amour, et avec l’Art. Avec la jeune femme, il souhaite s’éduquer. Sa vitalité et sa frénésie sont inarrêtables ; il dévore les ouvrages qu’on lui conseille, il s’extasie devant le savoir qu’il accumule. Et au milieu de ces divines révélations, la plus grande d’entre elle lui tombe dessus : il veut écrire. Martin Eden personnifie à lui tout seul l’expression « se donner corps et âme ». Son feu intérieur, sa persévérance, sa détermination m’ont tellement émue. On est happé avec lui dans cette fureur d’apprendre et d’écrire. Derrière ce jeune homme inoubliable, il y a tellement d’éléments qui font de ce roman un chef-d’œuvre. Le mépris de classe. L’aliénation du travail. Le broyage capitaliste. La pauvreté. La survie. La solidarité. La mesquinerie. La machine éditoriale et littéraire. Le plafond de verre. Martin Eden, qui ne trouve pas les mots pour se définir, devient un transfuge. Ému de revoir les siens, il se sent différent. Au contact des bourgeois et des puissants, il se sent souillé. Je crois que ce que je trouve de plus admirable chez lui, c’est qu’il reste entier. Entièrement lui-même. Pas une fois, il ne trahit sa personnalité ou ses ambitions pour entrer dans une case. Ses sœurs, ses beaux-frères, Ruth, son entourage et la société tout entière l’exhortent d’arrêter. De devenir « raisonnable ». De « trouver une situation ». Mais Martin le sait : il ne serait plus Martin Eden s’il arrêtait d’écrire, s’il éteignait son feu intérieur. Au risque qu’il le consume.