Premier roman noir pour Agnès Laurent qui aborde une thématique taboue…
« Rendors- toi tout va bien », débute sur l’autoroute A31. Une femme roule, « loin du désastre ». Elle semble prendre la fuite. Soudain, c’est l’accident. Le film se rembobine, nous sommes à nouveau le matin de cette même journée. À Sète, devant le café du vieux port, un homme est appréhendé par la gendarmerie. Il est 6h45 du matin. Guillaume ne comprend pas ce qu’il fait dans ce fourgon des forces de l’ordre à 7h15. Au même moment, dans la maison familiale, Christelle se prépare à partir. Elle écrit et réécrit un mot à ses filles. Elle rature, jette, recommence. Elle tente de préparer leur petit déjeuner et le pique-nique pour leur sortie scolaire, mais le temps lui manque. Elle se blesse avec un couteau. Elle doit partir, maintenant, tout de suite, avant que tout le monde sache… avant que le scandale éclate. Avant que sa famille, ses voisins, ses amis apprennent la vérité.
Le récit se poursuit, alternant entre Christelle en fuite, et Guillaume retenu à la gendarmerie. Parfois, certains autres personnages prennent la parole et racontent une tranche de vie.
Dans ce roman de 208 pages, il n’y a pratiquement aucun dialogue. Agnès Laurent écrit son histoire à coup de sous-entendus, laissant le lecteur dans un flou total. Pourtant, elle fait progressivement monter l’angoisse, la curiosité aussi… Que s’est-il passé dans ce couple qui a l’air de s’aimer tellement, alors que leur entourage trouve Christelle et Guillaume si mal assortis ?
La journée se déroule quasiment heure par heure, jusqu’au dénouement à 19h30. Construit à la manière de 24 heures chrono « Rendors-toi tout va bien » peut se targuer de suspendre le lecteur à un fil. Les portraits de Guillaume et Christelle se révèlent peu à peu, mais le mystère, lui, s’épaissit. D’autres protagonistes viennent raconter des moments vécus avec l’un ou l’autre, faire part des doutes, et des multiples questions qu’ils se posaient sans obtenir de véritable réponse. Alors que les médias diffusent l’histoire en boucle, que les gendarmes accumulent de plus en plus de preuves, Guillaume se retranche en lui-même pour se repasser le film, pointer du doigt les signes qu’il n’a pas sus ou voulus voir. Les questions se font plus précises, les accusations aussi. Guillaume tremble.
Ce roman décortique les apparences. D’abord par le truchement des autres, puis par celui des proches, comme si la lentille d’un focal se faisait plus précise, jusqu’à zoomer sur Guillaume, celui qui n’a rien vu ou n’a rien voulu voir. Sa propension à l’aveuglement prend toute la place puisqu’en examinant les faits, il se rend bien compte qu’au fond, il savait. Pourquoi s’être tu ? Pourquoi n’avoir pas pris la peine d’amorcer le dialogue avec Christelle ? L’un des sujets traités met en lumière la façon dont les « autres » nous perçoivent, lisse et sans aspérité. Christelle cache pourtant de lourds secrets et une souffrance profonde qu’elle ne parvient pas à extérioriser même auprès de son propre mari. Psychologiquement, elle est sur la corde raide et parvient admirablement à le cacher, même à ses proches. La thématique abordée dans ce roman est si taboue que la fin laisse le lecteur exsangue, préoccupé par de multiples questions sur le cheminement interne de cette femme.
« Rendors-toi tout va bien » est un texte court, écrit avec une certaine maestria puisque le mystère reste entier durant les trois quarts du roman. Le lecteur s’identifie d’abord à Guillaume qui semble prendre un énorme coup de massue sur la tête, puis à Christelle au fur et à mesure de ses confidences. Enfin, lorsque le lecteur comprend, c’est l’effarement le plus total. L’horreur de la situation prend alors tout son sens et grande est l’envie de reprendre la lecture du début pour dénicher tous les indices. Agnès Laurent a réalisé un vrai travail psychologique sur ses personnages et le résultat est assez bluffant. J’ai été littéralement suspendue à ce roman pour le refermer un peu assommée. C’est le 3e roman que je lis dans le cadre du jury des lecteurs de polars Plon, et je dois dire que je suis enchantée par ces découvertes.
Agnès Laurent est grand reporter, férue de faits divers et de société et « Rendors-toi tout va bien » est son premier roman. Un très bon démarrage pour une auteur à suivre.
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