Les meurtres de San Jerònimo 🇲🇽

Que se passe-t-il à San Jerónimo ? Un couvent n’est-il pas censé être un lieu de paix et de recueillement ? Quelles sont ces abominations qui le souillent ? Des meurtres horribles, touchant des religieuses… Nous sommes en Nouvelle Espagne, en 1689. La jeune Alina est sommée par sa grand-mère d’entrer dans les ordres : non par piété (la comtesse de Gijon, à l’image de beaucoup de ses semblables, n’affiche qu’une religiosité de façade) mais par pure avarice, le mariage de sa petite fille lui aurait coûté beaucoup trop cher. Voici donc Alina projetée dans un univers qu’elle n’imaginait même pas… Novice, elle a droit à une cellule minuscule, ses cheveux sont coupés ; comme il se doit, elle est dépouillée de ses beaux vêtements pour revêtir une robe blanche en tissu rêche et doit prendre le voile. La voici devenue sœur Elena de San Hipólit. Ses journées seront rythmées par les prières, très nombreuses, les offices et les corvées (encore plus nombreuses), sous le regard implacable de Sœur Encarnación, chargée des novices. Seule petite concession à son statut de noble, Alina est venue accompagnée d’une jeune esclave, Matea, une indienne, qui elle, va vivre sa meilleure vie : pensez, elle va, pour la première fois de sa jeune existence, dormir dans un lit, et manger à sa faim ! Évidemment, elle aussi devra travailler dur mais quand on est esclave, on est habitué ! Et Matea a un gros avantage sur Alina : elle a le droit de sortir du couvent, notamment pour aller au marché, alors que les sœurs de San Jerónimo sont cloitrées… à vie. Alina et Matea remarquent assez vite l’ambiance du couvent, plutôt bizarre, et même délétère… Elles apprennent rapidement qu’il y a eu, peu de temps avant leur arrivée, une mort violente, une sœur aurait été tuée selon un rituel paien… Toutes les sœurs sont terrorisées, certaines font d’horribles cauchemars qui semblent sortis tout droit de l’enfer…Certainement l’œuvre de Satan ! Fort heureusement, Sœur Juana, érudite (elle possède plus de 4200 livres) et poétesse (elle déclame des vers à toute heure et à tout propos –ce qui peut être un peu agaçant par moment !), va prendre Alina sous son aile et tenter de résoudre le mystère des meurtres de San Jerónimo. Voici un petit polar plutôt original, féministe (mais pas que) et bien ficelé. Au-delà de l’enquête, j’ai surtout beaucoup aimé le contexte historique dans lequel il est inscrit : le Mexique à la fin du XVIIème siècle, sous le joug de l’Espagne… et de l’Inquisition. On y croise des personnages attachants, mais aussi de moins sympathiques, notamment la gente masculine qui (à l’exception du frère d’Alina) n’est pas présentée sous son meilleur jour… A travers la description de la vie quotidienne dans un couvent, c’est tout un pan de l’histoire du Mexique que nous découvrons : la colonisation, les populations locales réduites en esclavage, le pouvoir de la religion catholique, le patriarcat… La condition féminine était on ne peut plus précaire et le sort des femmes, même de la haute société, guère enviable. A noter qu’on y mange beaucoup, notamment des sucreries et pâtisseries (l’auteur donne même la recette des « suspiros de yema ») et qu’on y boit des litres de chocolat ! Premier volet validé ! Je retrouverai avec plaisir Sœur Juana et Sœur Elena dans la suite de leurs aventures.