John Hammond- 03/11/2019

La beauté de l'effroi

Je me croyais blindé au moment de découvrir Sade, invulnérable même. À l'heure du porno tranquille et du gore facile, l'on pourrait être enclin à croire que tout ce qui a été dit sur ses textes relève de l'exagération, du simple décalage à son temps de moeurs rigides. On pourrait imaginer du libertinage poussé à l'extrême... Mais c'est autre chose. À l'issue des malheurs de Justine, on comprend que le sadisme mérite son nom. Les "péripéties" sont nombreuses, affreuses, courtes et interminables. L'écriture magnifique pousse le texte bien au-delà de la subversion du traditionnel récit d'initiation : du sympathique au pathétique, de l'épique à l' horrifique, du romantique à l'humoristique. L'humour noir fait partie intégrante de l'oeuvre et trace rien de moins que la suspension de notre incrédulité : on dit qu'il y a toujours pire, on n'y croit pas, Sade nous l'écrit. Une œuvre marginale et magistrale qui vaut d'abord par un style d'une beauté chaste, épurée (si, si) qui s'enfonce magnifiquement dans l'enfer de ce qui est narré. Le meilleur de ce qu'on peut raconter de pire.