SudOuest- 26/03/2020

Une nouvelle biographie d’Hugo Pratt ? Oui. Non. Allez savoir !

Comment dire si le sujet de l’ouvrage est bien le créateur de Corto Maltese ou le personnage fétiche de Pratt, reproduit sur le bandeau ? Ou même Thierry Thomas lui-même, tant les points de vue sont imbriqués ? C’est bien là l’originalité du livre. Un regard personnel, presque intime, d’une subjectivité assumée, sur l’homme que fut Ugo Prat (sans H ni le second t), géant de la bande dessinée, qui dévorait l’existence tel un ogre, conteur de sa propre légende, qui affirmait lui-même avoir « 13 façons de raconter [sa] vie », sans savoir « s’il y en avait une seule vraie ». Thomas, qui l’a rencontré pour la première fois en 1972, donne libre cours à sa fascination pour ce disciple de Milton Caniff, qui a tout envoyé paître pour vivre de cet art encore naissant qu’était la bande dessinée. Il suit l’artiste à ses débuts dans les fumetti, la BD italienne. Il l’accompagne, avec ses doutes, dans le train qui l’emmène à Paris, à la rencontre du rédacteur en chef de « Pif Gadget ». « La Ballade de la mer salée » est déjà parue en Italie, mais Corto, son double de papier, antithèse du héros classique de la BD franco-belge, ne s’impose pas encore. L’apparition du « gentilhomme de fortune » dans les pages de l’hebdomadaire, en 1970, fut pourtant, pour ceux qu’on ne disait pas alors bédéphiles, une révolution. Un mythe était né. _ Philippe Belhache