Anne Rouge- 19/11/2019

Une biographie en demi-teinte

Il paraît que Berthe Morisot de Dominique Bona, a obtenu le Prix Goncourt de la biographie. C'est, ma foi, décevant. Non pas que cette biographie de l'une des seules femmes peintre impressionniste célèbre soit mauvaise. C'est gentiment propre et bien écrit, gentiment chronologique. Soit, mais ça n'a pas, la grandeur, l'âme et la virtuosité d'une biographie de Zweig. Bona s'efface trop. Quelquefois, elle touche à la vérité, et c'est alors sublime parce que c'est sans blesser son personnage. Elle effleure le mystère par touches successives, sans trouver toutes les réponses, dressant ainsi le portrait d'une femme en clair-obscur, bourgeoise et révoltée, amoureuse et rangée. L'on rencontre aussi, au fil des pages, tout un aréopage fourmillant de bohème et d'avant-garde... Manet, Degas, Renoir,... ces artistes mondialement connus aujourd'hui... qui pouvaient se permettre le luxe bourgeois de peindre sans vendre, pour la beauté de l'art. Du moins ne peut-on pas renier à Bona sa description de la quête d'absolu, cruciale, acharnée et transcendante dans la vie de Berthe Morisot. Mais certaines analyses relèvent malgré tout de la psychologie de comptoir, et peut-être davantage des craintes du biographe. La vieillesse est dépeinte comme un enlaidissement normal, alors même que les autoportraits de Berthe Morisot, pour moi, la transcendent, et ne montrent pas l'âge mais la beauté instantanée, la force vitale et sereine de la mère. C'est certes moins charnel que les portraits de Manet, que ces portraits où Berthe joue les séduisantes et transgressives modèles en ne montrant audacieusement que ce qu'elle choisit. Soit, le mystère de Berthe Morisot reste presque entier... du moins cette biographie n'aura-t-elle pas tout à fait levé le voile sur le secret de cette femme en noir, qui en garde, heureusement, son aura fantasmée de mystères.