SudOuest- 30/03/2020

Livre choc, fruit de plusieurs années d’enquête

Dans un livre choc, fruit de plusieurs années d’enquête, Ronen Bergman nous entraîne dans les coulisses des services secrets israéliens Une simple feuille avec un nom. Celle que les services secrets envoyaient (envoient encore ?) au Premier ministre israélien. Seule la couleur du papier diffère des notes classiques de renseignement. Elle est rouge. Rouge comme le sang. La feuille rouge, c’est en effet la demande d’autorisation d’effectuer un assassinat contre un ennemi d’Israël. Entre la création de l’État hébreu et 2005, plus de 2 000 ont été signées par les différents responsables de ce pays. Tout au long des 900 pages de son livre « Lève toi et tue le premier », et au terme de plusieurs années d’enquête, le journaliste et écrivain israélien Ronen Bergman raconte, dans le moindre détail, les actions des services secrets, le Mossad, l’Aman et le Shin Bet qu’il qualifie « de la meilleure communauté du renseignement de la planète ». Ce livre est un choc, une plongée dans l’histoire d’un pays marqué par les conflits dans lesquels les services secrets ont eu un rôle prépondérant. Ce sont eux, notamment, qui permirent à Israël, en 1962, de réduire à néant les efforts de l’Égypte pour mettre au point des missiles sol-sol. Le Mossad enleva un des 35 ingénieurs allemands qui collaboraient à ce programme d’armement (certains d’entre eux avaient travaillé avec le régime nazi) pour l’interroger, l’obliger à révéler les secrets avant de l’abattre. Des lettres piégées à d’autres scientifiques, le retournement de l’ancien colonel SS Skorzeny, des pressions sur le gouvernement de Bonn et surtout la peur d’être tué poussèrent les savants à quitter l’Égypte. Dentifrice empoisonné Du dentifrice empoisonné pour éliminer Wadie Haddad, organisateur de nombreux attentats (dont le détournement d’un vol d’Air France Tel Aviv – Paris, avec 26 Israéliens à bord, en juin 1976) au tir d’un missile à guidage laser faisant exploser la voiture du cheikh Ahmed Yassine le 22 mars 2004, Ronen Bergman décrit avec minutie tous ces assassinats, leurs motivations, leur préparation, leur exécution et l’on constate que la réalité dépasse l’imagination. Le plus surprenant consiste à lire les témoignages des agents et des responsables des services secrets, de montrer comment chaque décision découlait d’un processus exigeant des certitudes sur l’identité des cibles et, parfois, de l’avis des autorités judiciaires, même quand les risques de tuer des innocents (et c’est arrivé) étaient bien réels. L’ouvrage retrace ainsi l’opposition de deux peuples en guerre, les Israéliens et les Palestiniens, paradoxalement unis par les souffrances de ses victimes innocentes d’opérations suicides ou de ce que l’on appelle, de manière très hypocrite, les « dommages collatéraux ». Attentats - représailles, représailles-attentats, histoire sans fin… Beaucoup de ceux qui portèrent les armes et les coups les plus sévères aux auteurs des attaques furent convaincus de la nécessité d’y mettre un terme. L’un des anciens directeurs du Mossad, Meïr Dagan, ne prônait-il pas, en 2005, que « la solution à deux États pourrait mettre un terme à ce conflit ».