Un conte amoureux élégant et cruel dont on ne ressort pas indemne
Aucune polémique ne prévaut contre l’intérêt d’un roman. Et « Ce qui plaisait à Blanche » n’en manque pas. Un récit bien mené, agrémenté d’une écriture délicieusement surannée, pointue, précise, très XVIIIe . Un long fleuve qui charrie des cadavres d’illusions et des espoirs morts, traversé ici et là par d’étranges et belles lueurs. Nous reviennent alors les mots de Schnitzler : « Je ne sais chanter d’autre chant que celui trop familier de l’amour, du jeu et de la mort ». Un éditeur rencontre un diplomate sur la terrasse du Grand Hôtel de Capri. Ils parlent littérature et échangent leurs cartes. Vingt ans plus tard, l’ambassadeur confie à l’éditeur un manuscrit en exigeant l’anonymat absolu. L’histoire ? Celle d’une liaison toxique qu’il a entretenue avec Mme de N., veuve d’une insolente beauté rencontrée lors d’une soirée mondaine. Une apparition. Celui qui se déprenait de tout sentimentalisme tombe instantané- ment amoureux de la radieuse marquise qui fuit le convenu dans la verdeur, la morne routine dans la lubricité. Très vite, elle lui impose d’être le témoin de ses étreintes multiples. Ambiance « Eyes Wide Shut ». Dans une Italie chargée de ténèbres, il est condamné à regarder l’insatiable quand d’autres corps l’enlacent violemment. Témoin mais jamais participant. L’amour ne serait qu’une erreur d’optique Tôt ou tard, les transgressions ne font plus office de mirages et les contorsions compulsives finissent par lasser : « Ce corps, que j’avais tant imaginé, se détachait de toutes les fantasmagories que j’y avais accrochées ». Seules quelques voix familières, celles d’Aragon et du père défunt, tiennent compagnie à ce « pantin défait ». Un air connu donc, mais sans concession. Les phrases tombent tels des couperets. Il y a aussi comme une élégante ironie qui passe outre la débauche et les perversités. En contre-jour, on sent la patine du temps. L’usure. L’amour ne serait qu’une erreur d’optique. La véritable infirmité : la vanité tapie au tréfonds de chacun. Un (im) pur ravissement, dont on ne ressort pas indemne. Tant mieux. La littérature n’est pas un divertissement de jeune fille.
Obscur objet du désir
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