Prix Pulitzer, ce roman puissant et déchirant, inspiré d’une histoire vraie et tragique, explore les blessures raciales de l’Amérique.
Il est le quatrième écrivain à avoir reçu à deux reprises le fameux prix Pulitzer de la fiction. Parmi les trois autres, William Faulkner... C’est dire. Colson Whitehead est bien de- venu l’un des grands noms de la littérature américaine contemporaine. Après « Underground Railroad » en 2017, où il narrait l’odyssée d’une jeune esclave en quête de liberté, le New-Yorkais récidive avec un roman explorant, à nouveau, l’histoire de la violence aux États- Unis. Plus précisément celle liée à la ségrégation, à l’oppression subie par les Afro-Américains, à ces injustices qui occasionnent des blessures in- guérissables. Un livre loué par la cri- tique et par un certain... Barack Obama, évoquant « une lecture nécessaire, qui détaille la façon dont les lois raciales ont anéanti des existences, et montre que leurs effets se font toujours sentir aujourd’hui ». Tombes clandestines Cette fois-ci, Colson Whitehead nous convoque dans les années 1960, en Floride, s’inspirant (tout en la romançant) d’une histoire dont on a du mal à croire qu’elle est vraie. Et pourtant... C’est en lisant un reportage dans le « Tampa Bay Times » que l’auteur prit connaissance du scandale de la Dozier School for Boys, une maison de redressement pour mineurs délinquants où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices, ceux réservés aux garçons noirs étant encore plus impitoyables. On découvrit ainsi, au tout début des années 2010, quelques temps après la fermeture de « l’école », de nombreuses tombes clandestines. L’enquête en a déduit que des dizaines de jeunes y avaient été assassinés, sans que personne, pendant des décennies, ne s’y intéresse. Un lieu qui, si vous aviez la chance d’en sortir, « vous brisait, vous déformait, vous rendait inapte à une vie normale ». Le héros de « Nickel Boys » est un adolescent élevé par sa grand-mère. À la suite d’une erreur judiciaire, Elwood, écolier brillant rêvant d’université, lecteur passionné des discours de Martin Luther King, se retrouve en- fermé à la Nickel Academy (la Dozier School rebaptisée par l’auteur). Incroyable capacité à souffrir Jusqu’au bout, malgré l’enfer vécu au quotidien, l’intello rêveur qu’est El- wood s’accroche à son idéal de justice et de monde meilleur, incarnant ces femmes et ces hommes restés fidèles coûte que coûte à leurs convictions, quitte à en perdre la vie. D’Elwood et ses copains d’infortune, on retient aussi un immense courage et cette incroyable capacité à souffrir. « C’est en elle qu’ils respiraient, qu’ils mangeaient, qu’ils rêvaient », écrit l’auteur. Une capacité à souffrir comme une arme. « Mais ne vous y trompez pas, disait le révérend King, par elle nous vous aurons à l’usure, et un jour nous gagnerons notre liberté. » C’était il y a plus d’un demi-siècle...
Aux racines du mal
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