On contracte

Quand la confusion paraît prendre le dessus, il semble utile de relire les auteurs dont la pensée fonde notre vivre ensemble : Montaigne, La Boétie, Diderot, Voltaire , Rousseau, Montesquieu, Condillac et bien d'autres... Le livre de Rousseau " Du Contrat social" (1762) est l'un de ceux qui nous apportent quelques outils pour penser la différence entre liberté naturelle et liberté civile, et montre la nécessité d'une convention librement consentie pour fonder une société légitime. Les êtres humains, pour passer de l'état de nature à l'état civil, mettent en œuvre un pacte : c'est ce contrat social qu'analyse Rousseau. Quelle est donc la nature de ce pacte, de ce contrat qui nous permet de survivre collectivement ? Qu'est-ce qui fonde l'apparent paradoxe entre obligation au respect de la loi collective et libre consentement, entre aspirations individuelles et collectives ? Rousseau nous parle de liberté et d'égalité : il le fait de manière érudite, en philosophe et écrivain, faisant référence à Grotius, Hobbes, Locke, Montesquieu, Aristote ainsi qu'aux auteurs latins et - c'est plus inattendu - à Rabelais.  Il propose des hypothèses soutenues par des arguments - qui peuvent donc être critiqués - et non des opinions : il alimente donc le débat démocratique dans une démarche dont bon nombre de nos contemporains devraient se souvenir. On peut éprouver un double plaisir à lire ou relire Rousseau : y retrouver une langue somptueuse et des morceaux littéraires célèbres ; y glaner de quoi penser sur des thèmes dont l'actualité ne fait aucun doute. L'édition de poche Garnier Flammarion est de grande qualité (édition de Bruno Bernardi) : la préface, les notes et la bibliographie permettent l'approfondissement et d'éviter les contresens. Allez, c'est parti : "L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit maître des autres, qui ne laisse pas d'être plus esclave qu'eux. Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore. Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir répondre à cette question..."