Les lecteurs des textes de Guy Debord et des situationnistes, ainsi que ceux de Modiano (l'un n'empêche pas l'autre) ont déjà entendu parler du bar "Chez Moineau", qui accueillait la jeune génération perdue au 22 rue du Four à Paris : c'était dans le Quartier Latin au début des années cinquante.
Jaenada décrit en détail les parcours de ces enfants égarés et en particulier celui de Jacqueline, morte défenestrée en 1953 à l'âge de 20 ans. L'écrivain retrace un portrait émouvant de ces jeunes détruits par les conséquences des deux guerres mondiales ainsi que par les institutions de l'enfermement : famille, police, psychiatrie, domination masculine, services sociaux...
Comme on avait pu le découvrir dans son récit "La serpe", Jaenada prend les chemins de traverse avec humour, non seulement avec ses digressions habituelles, mais aussi en se mettant en scène dans ses recherches et son écriture, ainsi qu'en relatant un tour de France de villes en villes et d'hôtels en hôtels, voyage entamé au début de ses recherches.
Son livre nous replonge donc avec précision dans une ambiance, une époque, un milieu social disparus. L'auteur nous fait partager son émotion face à ces parcours brisés, nous montre les conséquences funestes des guerres et des insuffisances d'une époque, et nous fait découvrir les prémisses archéologiques de mai 68.
Tout cela dans un seul livre bien plaisant à parcourir, un livre qui du point de vue spatio-temporel fonctionne par oppositions : les premières lignes décrivent l'horizontale de la perspective de la longue plage de Malo-les-bains à Dunkerque à marée basse, horizontale qui va se déployer dans le voyage jusqu'à la plage d'Hendaye, et s'oppose à la verticale de la chute brève de Jacqueline depuis un troisième étage. Si l'on était malicieux, on pourrait rajouter la verticale de la descente des nombreux whiskys bus par l'auteur lors de son périple.
Du point de vue temporel s'opposent le temps long du voyage et de la minutie de la recherche à celui, très bref (1,46 seconde) de la chute d'un corps dans une arrière-cour parisienne. Il est donc logique que ce livre si bien construit se termine avec le mot "vertige".
Oiseaux rebelles
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