Marianne Jaeglé se glisse dans la peau de Sénèque qui écrit à son ami Lucilius pour lui narrer l'histoire de sa chute et de sa mort annoncée, durant les quelques heures que les soldats lui accordent. Il est tombé en disgrâce auprès de l'empereur Néron et celui-ci le condamne au suicide. Il ne craint pas la mort. Il souhaite juste exprimer ce que furent sa vie, ses erreurs, ses regrets et ses compromissions, mais surtout dire la vérité sur son élève, Néron. Dans la quiétude de sa demeure aux abords de Rome, auprès de son épouse tant aimée, il raconte.
J'ai immédiatement aimé la prose de l'autrice, fluide et belle. J'ai aimé l'immersion dans la Rome antique, auprès du pouvoir, ce nid de serpents. Car le danger était partout et Sénèque le savait, lui qui revenait en grâce après son exil forcé en Corse, rappelé par Agrippine pour être le précepteur de Domitius, futur Nero (Néron). Agrippine mère de Nero, épouse de l'empereur Claude, lui-même père de Britannicus et Octavie, les enfants qu'il a eu avec Messaline qu'il a fait exécuter. Agrippine, intrigante, ambitieuse et absolument sans scrupules, extrêmement dangereuse. Quant à Nero... il paraît qu'on ne naît pas psychopathe, on le devient... Mais sans doute que l'époque, les flagorneurs de tout poil et l'exercice du pouvoir y étaient propices. Cet endroit et cette période font vraiment froid dans le dos.
Panem et circenses. Les combats, les mises à mort dans l'arène lors des jeux du cirque sont d'une sauvagerie absolue et ça plaît au peuple. Des spectacles horribles où on se repait de la souffrance d'autrui. Une société totalement inégalitaire et injuste, avec des esclaves, des affranchis, des maîtres, des grandes familles, et des voleurs ou tueurs qui eux finissaient massacrés dans l'arène sous les vivats de la foule en délire.
Intrigues, calomnies et manigances sont l'essence même du pouvoir. Créer une rumeur pour se débarrasser de quelqu'un et attendre... C'est glaçant.
On a vraiment le sentiment qu'à l'époque, la succession reposait essentiellement sur le meurtre. Agrippine, cruelle et calculatrice détient le pouvoir à travers son fils Nero, qui n'est que sa marionnette. C'est étrange d'imaginer que ce personnage incontrôlable, initiateur de tant de massacres, ait pu être un petit toutou craintif devant sa mère. À moins que ce ne soit le juste retour des choses...
Passionnant, le récit de Sénèque nous amène tout doucement à comprendre ce qui l'a fait passer de Ami du Prince, quasi-père de substitution et précepteur qui a façonné Nero à ennemi à abattre. Car il a été fier du résultat quand il a eu le sentiment d'avoir fait de la chenille un papillon :
"Quand je repense à cette période, il me semble avoir vécu un rêve.
Où que Nero aille, dans Rome, on l'acclame, on se prosterne, on se félicite en sa présence. Beau, généreux, sage : un empereur en tout point semblable à Apollon. " peu à peu, à travers le récit de Sénèque on apprend comment le jeune homme agréable est devenu le fou sanguinaire que l'histoire a retenu. Sans doute que le pouvoir corrompt et monte à la tête.
J'ai adoré cette plongée dans la Rome antique, dans les différentes strates de la société, très bien décrite, très visuelle, j'étais comme embusquée dans les moindres recoins, à observer, consternée par la cruauté et la vanité des hommes.
Merci beaucoup à Lecteurs.com ainsi qu'aux Éditions Gallimard qui m'ont permis de gagner ce livre lors d'un concours 💝
Sénèque et Néron
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