Tout indique la profonde douleur qui a habité Chimamanda Ngozi Adichie pendant l’écriture de ce livre. La couverture, la dédicace, à son père bien entendu, la sincérité du texte et la forme que prend celui-ci. Il ne s’agit pas d’un roman, d’un essai ou d’un journal intime. C’est un recueil de notes, d’émotions puissantes, soudaines, inscrites sur le papier. Le temps est bouleversé, la chronologie est imperceptible. Le Covid a déréglé tout cela mais surtout le chagrin. L’autrice, par bribes, esquisse une définition de ce mot. Ce n’est pas une douleur, ni une tristesse, ni un drame. C’est du chagrin qui envahit le corps, le cœur et l’esprit de cette femme, cette fille qui a perdu son père, cette artiste qui se love dans les mots pour raconter le mot et le penser. Face au décès de son père, où se trouve le réconfort ? Chimamanda Ngozi Adichie parle des condoléances, de l’appel à la mémoire de l’être disparu, de la cohésion familiale. Elle questionne le rapport à la mort si bouleversé par le Covid et pointe une certaine prétention humaine face à la tragédie de la vie.
Tout en rendant hommage à son père et confirmant son amour sincère pour lui, elle parle aussi de la culture des rituels, de l’annonce d’un tel événement et des condoléances. Là existe une rupture, celle entre ce qu’aurait souhaité l’être perdu, portant sa propre idée du rituel et ce qui est nécessaire pour les vivants. Chimamanda Ngozi Adichie ne se retrouve pas dans les conventions igbos mais doit faire avec. Elle doit alors trouver son propre chemin, ses propres moyens pour faire le deuil et tout cela en baignant dans un profond chagrin.
Ce livre, court et délicat, recense les interrogations successives sous lesquelles croule cette femme. Elle les étale devant nous sans y apporter des réponses et refermer le débat. Ce livre est donc un moment suspendu, court par la forme (les chapitres, la taille du livre), mais profondément ancré dans la vie de l’autrice. En la lisant, je pensais à la phrase de Tchekhov dans Platonov : « Il faut enterrer les mots et réparer les vivants. » Pendant ces deux étapes, longues, intimes et terribles, le chagrin reste là, saisissant chaque parcelle de l’être. Il pèse, écrase et les quelques notes de Chimamanda Ngozi Adichie nous rappellent l’importance de parler, d’écrire et de trouver un moyen de libérer l’être, de se purger du chagrin.
Questionner la mort et la douleur
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Notes sur le chagrin
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