Sonneur- 06/05/2023

Passion fixe

Philippe Sollers nous a quitté ce 5 mai 2023. Il rythmait ma vie de lecteur depuis longtemps, j'attendais la parution de son nouveau livre chaque année en fin d'hiver, il n'était pas venu cette fois-ci... C'est le seul écrivain contemporain - parmi les plus grands - qui me faisait rire. Il m'apprenait beaucoup des choses dans ses essais sur la littérature, la musique, la peinture. Il était un passeur érudit et passionné et certains de ses livres ont été pour moi des mines de découvertes et d'ouvertures (ma passion pour Dante et pour Joyce, entre autres, vient des lectures de ses ouvrages critiques et théoriques). Ses récits expérimentaux des années 60, parallèles au structuralisme, proches de Barthes et à Lacan, m'ont fasciné longtemps. Ses romans à la prose rythmée et facétieuse, depuis "Une curieuse solitude" (1958) à "Graal" (2022), m'ont toujours enthousiasmé. Et "Paradis", son chef-d'œuvre, est pour moi un sommet inégalable de la poésie du XXème siècle. Je n'étais pas toujours en accord avec ce qu'il disait, faisait ou écrivait, mais j'aimais ses livres, et je les aime encore. L'hédoniste qu'il était cherchait le bonheur : pour moi, c'était un bonheur de lecture. Les fins d'hiver seront un peu plus tristes et vides dorénavant, teintées d'une curieuse solitude. En attendant, je lève un verre en l'honneur de l'artiste : un Bordeaux rouge, évidemment...