"Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l'après-midi." Avec cet incipit maintenant célèbre, Annie Ernaux frappe fort à nouveau en n'écrivant pas sur ce qui aurait pu être un fait-divers de 1952, mais en déroulant un récit cathartique de l'après traumatisme. Elle décrit d'abord très bien les effets psychologiques provoqués en elle par cette "terreur sans nom" éprouvée alors qu'elle n'avait pas encore douze ans. Ainsi se précise le projet d'écriture : "Cette scène figée depuis des années, je veux la faire bouger pour lui enlever son caractère sacré d'icône à l'intérieur de moi". Ce qui lui importe, "c'est de retrouver les mots avec lesquels je me pensais et pensais le monde autour." Curieusement, elle ressent donc le besoin d'écrire sur l'environnement géographique et social de son quartier de 1952, en se faisant ethnographe de son passé, des comportements, des codes et du langage dont elle n'avait pas conscience à 12 ans. Une fois précisés les codes et les règles qui l'enfermaient, Annie Ernaux constate que "Nulle part il n'y avait de place pour la scène du dimanche de juin." Elle confirme ainsi la valeur de trauma de cette scène, qui la fait entrer dans la honte, le sentiment qui inaugurera sa conscience d'appartenance à une classe sociale inférieure, prise de conscience qui sera en grande partie le creuset de son œuvre littéraire.
Ernaux 1997 bis
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