Le phare est là, non loin, lieu encore inaccessible, symbole non encore rassemblé, un objet désiré que l'enfant ne peut atteindre et saisir, car le désir du père et celui de la mère ne sont pas accordés.
Dès la première page, avec sa description d'évènements qu'on peut décrire avec les concepts de 'déplacement des investissements' et de 'l'ambivalence des ressentis d'amour et de haine' ainsi que de 'la fonction contenante de la mère' et 'la fonction castratrice de la loi du père', on perçoit l'influence de la psychanalyse sur ce texte (La Hogart'Press, la maison d'édition des Woolf, éditait Freud en traduction) : cela dit, il faut aller plus loin et ne pas réduire ce livre à ce petit bout de la lorgnette aperçu seulement au début du roman, celui-ci abandonnant ensuite cette réduction dont il ne reste que des traces.
Dans ce quatrième roman, la description psychologique des personnages semble aller vers plus de complexité, les paragraphes gagnent en densité et il faut adapter sa lecture en conséquence : le jeu entre les fragments de monologues intérieurs est tissé d'échos serrés, construisant un drame tendu de l'écriture et une narration dont les profondeurs de pensée exigent une lecture impliquée.
Après Mrs Dalloway, voici Mrs Ramsay : Virginia Woolf nous propose à nouveau un beau portrait de femme, cette fois-ci dans la présence et l'absence, dans ce qu'elle est et ce qu'elle laisse. Le thème de l'enfance semble lié à celui du temps, et de manière complexe à ceux du désir et de l'identité. On retrouve aussi dans ce texte la réflexion sur l'opposition entre moi intime et moi social, mais débarrassée de l'ironie présente dans les romans précédents et diluée de manière plus grave et plus tendre dans les autres thèmes.
Avec le personnage de l'artiste peintre Lily Briscoe, Virginia Woolf transpose les questionnements concernant l'écriture vers ceux de la peinture, donnant une allure presque post-moderne à certains passages.
L'art de Virginia nous entraîne dans des tours de force d'écriture, comme par exemple le dîner de la fin de la première partie, qui suscitent la lecture enthousiasmée et admirative en laissant apparaître la poésie et l'émotion, des éprouvés qui nous rappellent la lecture de la dernière nouvelle de "Gens de Dublin" de James Joyce : 'les morts'.
Woolf 1927 : eaux illuminées
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