Il faut ne jamais avoir avoir connu le sentiment amoureux - ou n'avoir jamais lu Proust, c'est pareil - pour ne pas comprendre les intermittences du coeur et les égarements de l'esprit, les mille et une tergiversations de la flamme qui sont l'objet du roman de Crébillon fils (1707-1777).
Déclarations, hésitations, tromperies, jalousies, incompréhensions et tensions, flatteries et flaneries : elles sont d'abord ici un fait de langage, la trame d'un discours qui prouve que la passion amoureuse a un lien direct avec l'imparfait du subjonctif.
La sensualité de ce texte se rencontre donc d'abord dans les douceurs de la rythmique et des sonorités, de la syntaxe et du lexique de cette fabuleuse langue française du XVIIIème siècle, à laquelle il faut revenir régulièrement si l'on veut apprécier les plaisirs de toute littérature francophone.
La construction même de l'ouvrage a ses séductions, semblant culminer en son milieu dans une mise en abyme, une scène de commentaire d'un roman dans le roman.
L'ensemble n'est pas dépourvu d'humour et d'ironie, ce qui met un peu de distance face à toutes ces circonvolutions : "- Voilà sans contredit, s'écria-t-elle, une belle phrase ! Elle est d'une élégance, d'une obscurité et d'une longueur admirables ! Il faut, pour se rendre si inintelligible, furieusement travailler d'esprit."
Ce livre est comme une référence non pas indépassable mais indispensable.
On y revient donc, et on n'en revient pas...
L'amour au subjonctif
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