Nat_lacreusoise- 17/04/2024

Un petit livre incandescent

Théo et Vincent Van Gogh reposent côte à côte dans le petit cimetière d'Auvers-sur-Oise. Sur leurs pierres tombales, ces simples inscriptions : Vincent (1853-1890), Théodore (1857-1891). À peine six mois séparent leurs disparitions respectives. Judith Perrignon s'est glissée dans la peau de Théo et a imaginé, à partir des centaines de lettres que les deux frères se sont échangées, l'impossible deuil et les 6 derniers mois de sa vie. Lorsque Vincent met fin à ses jours, Théo, marchand d'art, son frère et unique héritier, est totalement désemparé. "Je sens mon corps qui tremble. On dit qu'après l'amputation le membre sectionné bouge encore. Suis-je l'amputé ? Suis-je le membre amputé ?" "C'est une tristesse qui me pèsera toujours et ne me quittera pas aussi longtemps que je vivrai." Remontant les souvenirs de Théo, arpentant ses émotions, un ange penché à son oreille, Judith Perrignon explore avec beaucoup de puissance et de sensibilité ce qui le liait dans la fraternité, au-delà du sang, et jusque dans les recoins de l'ambiguïté. Et cela sonne si juste qu'on se prend à y croire et à ne plus distinguer la fiction de la vérité. Deux personnalités à fleur de peau, deux faces d'une même pièce, égarées dans leurs tempêtes intérieures, obsessionnelles, révoltées par l'injustice et le mépris, dévorées par les tourments de l'existence. La célébrité n'interviendra que plus de 20 ans après la mort des deux frères. Malgré le souhait ardent de Théo de faire reconnaître la peinture de Vincent, hanté par ce grand frère, qu'il admirait, il mourra interné, et ne connaîtra pas plus la gloire immense de son aîné. Un petit livre incandescent qui donne envie de se plonger dans la correspondance des deux frères, de re-découvrir les chefs d'œuvre de Vincent à Amsterdam. Et d'aimer les artistes vivants.