Sonneur- 09/11/2022

Au vent mauvais

Ceux qui s'attendent à une lecture romantique seront ici déconcertés : Wuthering Heights est d'abord un livre de violence, de mort et de vengeance, au propos plus proche de Sade que de Chateaubriand, et à l'atmosphère rappelant les meilleurs romans gothiques du XIXème siècle. Dans "La littérature et le mal", Georges Bataille y voit non seulement "l'un des plus beaux livres de tous les temps" mais aussi que, "le mal incarné dans le livre d'Émily Brontë, apparaît peut-être sous sa forme la plus parfaite". Il faut donc bien entendre les paroles du mal : "Je n'ai pas de pitié, je n'ai pas de pitié ! Plus je vois un ver de terre se tortiller sous ma semelle, plus j'ai envie de lui écraser les entrailles !" Le relire aujourd'hui, c'est re-découvrir un récit étrange, moderne, à la narration nerveuse et orageuse, avec des pages à citer en exemple dans un traité de psychiatrie concernant l'ambivalence et le clivage, l'amour et la haine, ou un traité de sociologie concernant les rapports de domination entre classes sociales et entre hommes et femmes. Le livre est riche de plein d'autres thèmes, par exemple ceux de l'avidité et de la répétition mortifère, ou la violation des tabous anthropologiques, qui pourraient intéresser les psychanalystes. L'application avec laquelle certains personnages se dirigent vers leur destin funeste indique la tragédie grecque comme modèle sous-jacent possible. Cette description laisse entendre que toute version abrégée destinée à la jeunesse de cette oeuvre puissante est vouée à dénaturer le texte original Ah oui, "Jane Eyre" de Charlotte Brontë, quoique différent, c'est pas mal non plus...