Les manquants ou l'absent ... Un sujet bien traité
Lorsque Babelio m'a proposé ce roman dans le cadre d'une masse critique privilégiée, j'ai été interpellée par le sujet du mari disparu, de savoir pourquoi et de voir comment ce thème pouvait être traité. Je ne connais pas l'autrice, je me suis dit que c'était donc un bon moyen de la découvrir.
Maintenant que j'ai refermé le livre, je me rends compte du double sens du titre. Les manquants pour cet homme disparu et tout ce qui va avec, mais on parle aussi de manquants dans la vigne pour désigner les pieds morts et qui ne sont pas toujours remplacés. Justement, on va être plongé dans le domaine vinicole avec Claire, la femme du mari disparu.
Mais, revenons au début du roman. On est à notre époque, je pense car ce n'est pas dit précisément. Thomas a donc disparu, il est parti de chez lui et n'est jamais rentré. On est deux ans plus tard, au commissariat, Claire, la femme de Thomas, est venu signaler la disparition. Claire a la quarantaine et a eu deux enfants avec Thomas. On est étonné qu'elle ne vienne qu'au bout de deux ans, on découvre peu à peu pourquoi elle ne l'a pas fait avant, les circonstances. Pour Claire, signaler cette absence serait pour elle, reconnaître qu'il est parti et ne reviendra pas. On en apprend plus petit à petit sur leur relation, leur vie, le caractère de Thomas, et on comprend le silence de Claire. Celle-ci n'est pas seule à venir au commissariat, Claire est épaulée de deux de ses amies, Hélène et Joan. Elles vont aussi se raconter et parler de Thomas, de leurs relations avec lui. Hélène est célibataire, elle connait le couple depuis la Fac, c'est un esprit libre, une âme écorchée qui a une vision du couple différent. Joan, elle, a fui son pays natal, les États-Unis, ne supportant plus le mode de vie là-bas. Elle est en France sans papiers, elle ne se sent pas à sa place et ne sait où aller. Elle trouve dans Claire et Hélène des soutiens. Les deux amies connaissent le couple et ont des avis sur celui-ci et sur Thomas.
On va découvrir tout cela petit à petit, au fur et à mesure de leurs dépositions à toutes les trois. On va rentrer dans l'intimité du couple, chacune ayant des révélations que les autres ne savent pas sur le mari ou sur leur amitié, chacune ayant des théories sur ce que Thomas ait pu penser ou faire. Elles ne sont pas au bout de leur surprise et moi, en tant que lectrice, non plus. Tout cela crée un certain climat anxiogène, je me suis posée pas mal de questions sur Thomas, j'ai eu plein d'hypothèses sur lui, sur ce couple, et je suis parfois tombée des nues.
C'est un roman de femmes, l'homme est le grand absent et c'est plutôt bien fait de la part de l'autrice. Beaucoup de sujets sont évoqués. Claire a quitté la folie de la vie parisienne, et part reprendre le vignoble de ses parents. On sent la patte de l'autrice qui écrit aussi sur la sociologie du monde vinicole. Tout est très précis, on ressent les connaissances de l'autrice. L'histoire oscille parfois avec des faits qui ne sont pas réels, les personnages parlent du jour de l'Oural où tout a basculé. J'ai aimé aussi cet aspect écologique à l'histoire en plus du côté social et intime. Maintenant que j'ai fini le livre et que j'ai une vue d'ensemble sur l'histoire, j'ai trouvé tout de même certains manquements au suspense. En fait, les causes sont simplissimes, je ne peux rien dire et ne rien dévoiler, mais tout est finalement très simple. Peut-être est-ce moi aussi qui m'attendais à quelque chose de plus compliqué, je dois avoir l'esprit tordu ..
J'ai aimé le style de l'autrice, elle décrit très bien les sentiments, les faits, mais aussi le contexte social ou écologique. Je ne me suis pas autant attachée aux personnages que je l'aurais voulu. Et pourtant la narration est à la première personne du singulier, je suis d'habitude sensible à ce "je" qui me permet de me mettre à la place du personnage, mais là, je n'y suis pas arrivée. J'ai à la fois pu me mettre dans la peau de Claire, Joan ou Hélène. J'ai été touchée par la vie de Claire, par son vécu, et aussi par Joan, mais je n'y suis pas arrivée avec Hélène. Mais cela est mon ressenti, qui ne sera pas vécu par un autre lecteur. Pareil, j'ai eu parfois un peu de mal, il y avait quelques longueurs, on revenait sur certains faits, c'est logique vu qu'elles sont trois à donner leur avis sur un même cas. Je pense que tout cela est aussi dû au fait qu'il n'y a aucun dialogue, ce n'est que du texte, il n'y a jamais aucune interaction. Les femmes s'adressent aux policiers, les interpellent, mais il n'y a jamais de réponses. C'est bien fait de la part de l'autrice, c'est très original, mais cela rend parfois la lecture plus lourde. Il y a tout de même du rythme grâce à l'alternance des chapitres entre les trois femmes, toujours dans le même ordre, Claire, Hélène, Joan.
Ce roman est une lecture parfois étrange et en même temps prenant, le malaise règne, on ne sait pas où on va arriver. C'est ce qui m'a tenu en haleine et l'envie de finir le livre, je voulais savoir. J'ai aimé aussi la façon qu'a l'autrice de dépeindre la société, avec une certaine pudeur, mais en même temps très réaliste. Je suis contente d'avoir découvert sa plume et je pense que je la lirai à nouveau avec plaisir.
Il ne me reste plus qu'à remercier Marie-Ève Lacasse pour ce moment passé avec elle et ses personnages. Et bien sûr, je remercie beaucoup Babelio et les éditions du Seuil qui m'ont permis de découvrir cette autrice.
Les manquants ou l'absent ... Un sujet bien traité
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