Julien.Leclerc- 07/12/2022

Face aux vestiges et aux horreurs du temps

Ce roman puise sa vérité dans deux temporalités, celle de l’autrice et de son présent (entre découverte des archives, exploration de villes françaises, confinement, grossesse) et celle des Presque Sœurs, 6 petites filles ballotées dans la France collaboratrice de Vichy. En revenant sur les lieux mêmes du drame, en réunissant les mots des survivantes et des témoins, Cloé Korman reprend le fil de l’histoire vécue tout en rappelant sa présence. Elle raconte son propre ressenti, sa nécessité toute personnelle de faire entendre ses émotions. Ses mots viennent en écho aux paroles des survivants. Elle ne comble pas le passé mais avec ce nouveau filtre, nourrie des nouvelles rencontres, observe son présent autrement. Le roman, construit en plusieurs parties selon les lieux visités (Montargis, Orléans pour le Cercil, Beaune-la-Rolande, Paris), est un parcours qui se rapproche de la chronologie des vies évoquées. Face aux vestiges du temps, elle laisse parler sa sensibilité, son émoi, sa détermination. Compte tenu du sujet, il est bien sûr question de transmission, de devoir de mémoire. Les années de guerre marquent encore et toujours la chair des survivants, qu’ils aient été observateurs malgré eux ou victimes, encore plus injustement. Quelle place avoir quand on écrit et que les mots choisis ne peuvent se rattacher au vécu directement ? L’imaginaire ne doit rien étouffer, la mièvrerie non plus. La douceur des images, la tendresse des évocations ne tombent jamais dans le larmoyant ou le spectaculaire. Son roman parle autant des absents que des présents, de celles et ceux qui ont survécu, de celles et ceux qui sont nés tout de même, de celles et ceux qu’il ne faut pas oublier. Avec une écriture très cinématographique, Cloé Korman accompagne le lecteur dans sa découverte de cette période historique sans jamais se perdre dans le surplus d’émotions.