Clyde fans

Une belle épopée avec un joli trait de crayon.

"Sympa, ça ressemble un peu à Jimmy Corrigan de Chris Ware" me suis-je dit ce jeudi après midi en glissant Clyde Fans dans mon sac de bibliothèque. Je ne savais pas encore dans quoi je m'engageais avec ce simple geste. Clyde Fans fait partie de ces livres forts et inattendus qui vous marquent durablement, et dont il est pourtant difficile de faire un résumé. Car oui, à bien y réfléchir, ce livre ne raconte pas grand chose de prime abord : l'histoire de deux frères, Abe et Simon Matchcard, de leur rôle au sein de la société de ventilateurs léguée par leur père absent, de leur déclin et celui de leur mère. Quelque chose de somme toute assez simple, presque classique, une histoire de famille comme on en connaît tant. Mais c'est justement ça la force de Clyde Fans. Sa justesse, sa sincérité et son humanité. Plutôt que n'être qu'un récit voyeur sur la réussite et la faillite d'une entreprise dans les années 50, Seth nous propose une véritable plongée dans la psyché de ses personnages, on y retrouve leurs doutes, leur philosophie, leurs peurs, leur rapport au temps qui passe. En véritable ode à la nostalgie, le livre nous met face à la marche inarrêtable et pachydermique du temps, et c'est finalement ça le vrai thème du livre qui se dresse au coeur d'un mince et banal synopsis. Il traite de la mémoire et des souvenirs, de ces gens qui ont été proches et qui sont maintenant inaccessibles, séparés de nous par des《murs temporels》, et de l'angoisse que représente l'avenir, le tout avec une justesse fascinante et exemplaire. Il est évident que l'auteur s'est posé beaucoup de questions, que beaucoup d'idées ont germées et mûries avant d'en arriver là, que le temps a fait son œuvre. Et pour cause ! Il ne lui a fallu pas moins de 20 ans pour en achever la réalisation. Oui, car en plus de l'écriture, c'est environ 500 pages qu'il a fallu dessiner, et bien que le style graphique soit assez simple c'est avec une véritable maestria que Seth nous la raconte. N'hésitant pas à interrompre son récit par des cases entièrement noires pour mieux en gérer le rythme, usant de répétitions pour mieux dépeindre les aléas et la force des souvenirs, brisant parfois le 4eme mur et ponctuée de cases uniquement textuelles, la narration mêle toutes sortes d'excentricités pour mieux nous enrober dans son ambiance sombre et mélancolique. Car oui, et je finirais là dessus, il faut tout de même signaler que malgré toutes ces qualités Clyde Fans est un livre qui brasse et n'est pas à mettre entre toutes les mains, ou en tout cas pas à n'importe quel moment. Vous l'aurez sûrement compris mais c'est un livre qui m'a profondément touché, me poussant même à écrire cette première critique, et je vous le recommande chaleureusement. Il offre un regard surprenant sur le monde qui nous entoure et la façon dont nous le percevons et s'offre le luxe de mettre des mots dessus. Une lecture des plus enrichissante et parfois ça fait du bien.