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Résumé
La nuit est au jour ce que le dos est au visage. Elle réclame au peintre ou à l'homme de théâtre de se détourner afin d'accéder à l'autre côté, rebelle au règne conventionnel du visage et du jour car la nuit, comme le dit Goethe, est la «face étrangère du jour». La nuit est un envers et un contraire. Elle entre dans la problématique de la contradiction, de l'opposition, de la perdition. Alors que le jour établit l'homme dans un ordre social, la nuit place l'être du côté de l'essence. Elle l'entraîne au-delà d'une identité bien déterminée, dans l'informel et le mouvant. Il se trouve plongé au coeur de la nuit qui ne bat pas au même rythme pour tous car la nuit dissocie les êtres. S'engager sur le chemin de la nuit, c'est se laisser emporter par l'excès, par l'oubli des normes en vigueur, des interdits et des contraintes car, selon Marguerite Duras, «La nuit tout est plus vrai.» La nuit, c'est le jour vu de dos. À travers la peinture et le théâtre, Georges Banu explore ici toutes les facettes d'un espace et d'un temps qui constituent un monde instable et envoûtant : la nuit. Au début du XIXe siècle, les peintres, suivant la vague romantique, représentèrent de nombreuses scènes et paysages nocturnes. Ils peignirent la nuit. Ce n'est pas tellement la nuit elle-même que saisirent les peintres, mais ce qu'elle contient, l'impact qu'elle a sur les êtres : ils peignirent l'état de nuit, qui donne la capacité de tolérer les incertitudes, les mystères et les doutes. La nuit est peuplée, bruissante, étrange. Elle peut être dangereuse tout autant que rassurante. Séductrice et mondaine, profonde et mystérieuse, claire et impitoyable, terrifiante ou bien veloutée et paisible, universelle ou absolument individualiste, païenne ou sacrée, la nuit est un vaste champ d'investigation de la vie, du rêve, de la pensée et de la recherche de soi. L'être plongé dans la nuit s'éloigne des certitudes. Il repousse jusqu'à l'informel les limites du visible ; il se fond dans l'immensité, dans l'éternité des formes effacées par la nuit. S'enfoncer dans la nuit équivaut à s'abstraire des contraintes de l'apparence et de l'ordre social. En offrant le temps de la réflexion, la nuit favorise l'introspection ; en abolissant les limites, elle permet l'évasion. Les sentiments s'y déploient à l'abri des jugements. Des foules en liesse s'y retrouvent lors de fêtes rutilantes, des fuyards s'y réfugient, des êtres s'y complaisent dans une rêverie solitaire, d'autres y apaisent leurs tourments, y engloutissent leur détresse ou attendent avec appréhension qu'en ressurgissent leurs démons. C'est de nuit que se font les arrestations et que l'on ourdit les complots. La nuit est le moment de prédilection des attaques par surprise. La nuit est le moment propice par excellence. Qu'elle soit symbolique de la perdition des âmes et des corps ou d'un désir de dépassement du monde matériel, la nuit est intimement liée à la part obscure de l'être, à ses racines et à ses aspirations les plus secrètes. Elle est tout à la fois la fin et le recommencement. L'état de nuit est une humeur qui imprègne les oeuvres des peintres mais aussi le théâtre. Ainsi, après la peinture, l'auteur nous entraîne-t-il dans l'histoire de la nuit sur scène et autour de la scène. Brillamment illustré de nombreuses peintures rarement reproduites jusqu'ici - de Spilliaert, Munch, Friedrich, Redon, Radziwill, Turner, Courbet, Jansson, Solhberg, Millet etc., et de superbes photos de scènes de théâtre, cet ouvrage nous entraîne avec bonheur à travers les aspects changeants de la vie nocturne.