Ceux qui me restent

De sensations perdues. Très fort.

L’histoire d’une fille et son père , séparé par les malheurs de la vie , qui se retrouvent à la fin …. Alzheimer terrible maladie qui vole nos proches et nos vies …. Beau roman graphique .

Il y a des jours où la mémoire semble se diluer dans la réalité. On se demande si c'est vraiment arrivé, on tente de se rappeler ce que l'on a ressenti et ce que l'on en a fait. Comme si il fallait tout le temps apprendre du passé pour expliquer notre présent. Sauf qu'on y arrive pas toujours, parfois il tire beaucoup trop pour que l'on puisse s'en sentir libre. Parfois ce sont nos réussites passées qui contraignent notre avenir, par envie de ne pas y toucher de peur de les abimer. Dans "ceux qui me restent", on pourrait croire qu'il s'agit des personnes présentes mais on découvre vite qu'on va parler de nos fantômes. De ceux partis trop tôt. Qui restent en nous à jamais. Qu'ils soient en vie ou pas d'ailleurs, car dans l'absence la question n'est jamais liée uniquement au potentiel physique. Florent a vécu sans s'arrêter, assumant ses choix, traversant la mer pour embarquer l'autre dans sa vie et faire en sorte que ses rêves prennent corps. Oui mais voila, la mort de sa femme sera son coup d'arrêt, le laissant seul à accompagner leur fille, a trouver les mots qui ne sortent pas, à tenter d'expliquer et de contredire les idées toutes faites qui pourraient se construire en elle. Comme prisonnier interne de sa mémoire, il est incapable de la faire parler. Ce silence entrainera les incompréhensions et les départs, la colère et le rejet. Damien Marie et Laurent Bonneau nous livre une histoire brute, de tout. Car il n'y a rien de plus brutal que le silence. Pour ceux qui restent justement. Pour ceux qui veulent vivre, ceux qui espèrent. Si la douleur d'un deuil, les blessures de vies, les séparations ou simplement les caractères peuvent rendre aphone, oublier que la mémoire se construit également de mots c'est handicaper la vie qui ne demande qu'a exulter. Il faut parler, sans cesse, tout dire, tout crier, tout partager, pour que ceux qui restent puissent choisir, savoir et comprendre. La mémoire est faite pour grandir et pas pour souffrir.