Du bout des doigts

Paul est un artiste qui se questionne sur son art. Doit-il faire comme ses amis et devenir un de ces artistes contemporains à la mode ou créer ce qui le fait vibrer. Mais après avoir accepté de réaliser une exposition dans une galerie, il ne se sent plus inspiré et se demande comment il pourra honorer son contrat. Un matin, il fait la douce rencontre de Mathilde, une coiffeuse qui s’intéresse au milieu artistique. En discutant avec elle, sa vision sur son art change, et sa vie devient plus apaisée, plus douce. Mais que lui arrive-t-il ? Est-ce Mathilde qui le change ?

Aveugle ou aveuglé, subjectif ou inconscient, naïf ou imbécile heureux, atteindre certains états psychiques nous ferait perdre toute notion du réel. « Ça te passera », « c’est le début », « tu ne vois que le bon côté », toutes ces bonnes paroles sont censées nous ramener à un état conscient et subitement objectif. Certains chimistes ou biologistes pourraient d’ailleurs ajouter que ce sont des réactions explicables, et que notre corps parle à notre place. Serait-on alors condamné à ne goûter le bonheur que par petites touches, en espérant qu’elles durent le plus longtemps possible ? Ou alors la sensation heureuse ne vient-elle pas de ce qui s’éveille en nous de changeant pour dévoiler nos vrais caractères ? Dans « du bout des doigts », Paul, artiste peintre ( forcément deprimé 😬 ) rencontre un bonheur soudain qui modifie sa vision et donc ses créations. Tout d’un coup, elles ne proviendraient plus réellement de lui mais serait déformées par son état heureux. Cyril Bonin nous entraîne alors dans une jolie réflexion sur le changement et la difficulté à accepter que ce qui nous rend heureux nous transforme voir meme nous pousse à détruire partiellement ce que nous avons construit. Les planches sont sublimes, tant graphiquement que dans les dialogues, toujours justes sans jamais tomber dans le niais. Ça fait du bien, c’est léger et optimiste. Et si effectivement il suffit de faire du bonheur un objectif quotidien pour que ça marche, force est de constate que ce n’est vrai que dans le partage et qu’on aurait bien tort de s’en priver.